Partons à la découverte du graffeur RCF1 qui est bien sympa!Il a pris le temps de nous parler de sa passion à travers une petite interview pour le site de l' Island Slalom Tour!!!
Ton blase (nom de graffeur) ?
Mon nom est l'acronyme d'une chanson de Clash, Rudie Can't Fail. Je n'ai jamais été dans le hip hop et j'ai donné une référence rock à mon nom. J'expose en galerie sous ce nom et aujourd'hui celui de Jean Moderne, ma 'vraie' identité. Sur les trains j'ai utilisé divers alias comme FETISH ou encore POGO156 pour les plus connus.
Ton premier graffiti (en quelle année ? où ? avec qui ?)
Je prends le pseudo RCF1 en 1988 mais dessiner ou écrire sur les murs c'est naturel depuis mon enfance... J'ai toujours eu un marker en poche pour écrire des noms de groupe, mettre des moustaches sur les affiches du métro... Pour le premier 'vrai' graff élaboré j'étais seul, je n'ai rencontré d'autres graffeurs que plus tard, dont SINO et SERO avec lesquels on a fait équipe le long des voies ferrées pendant un temps, dans les années 90.
Pourquoi avoir choisi le graffiti comme mode d’expression ?
Je pense que c'était l'air du temps, une banlieue ouvrière oppressante, des usines qui ferment, un goût prononcé pour la contre-culture et les marges. Et surtout j'aime la peinture. Ma grande soeur m'emmenait au musée régulièrement. Vers seize ans je découvre 'Jazz' d'Henri Matisse et ça me bouscule. Plus tard Futura 2000, qui correspond plus à ma génération, sans doute à cause de l'aura 'rebelle' de la peinture en bombe. Je pense que j'ai commencé pour survivre à l'ennui, ensuite c'est devenu une seconde nature, comme fumer des cigarettes ou aller acheter son pain.
Ou aimes tu le plus poser des graffs?
J'aime peindre autant sur toile que sur les trains. Un wagon qui roule, les portes qui se ferment sur le quai, les passagers dedans, pas vraiment le temps de le regarder, ça laisse une impression diffuse, un moment un peu magique... Un tableau propose une autre approche, on le regarde et il peut paraitre différent à chaque fois, on y trouve de nouvelles structures qu'on avait pas décelé la veille. Un bon tableau donne l'impression de ne jamais avoir été fini.
Quel est l'endroit le plus fou ou tu as posé un graff?
J'ai toujours fait ce qui était à ma portée, le dépôt de trains du coin, ma ligne RER, les camions du marché en bas, les rues du quartier... Pour moi c'est déjà assez fou, les choses du quotidien auxquelles tu n'as normalement pas accès... Aujourd'hui j'ai des commandes officielles pour faire des fresques dans des pays lointains (Bresil, Argentine, Japon...) C'est assez étrange de 'représenter' la peinture pour l'Alliance française quand on vient du graff de rue...C'est flatteur en tout cas, et j'ai pu faire de beaux voyages que je n'avais pas envisagé à titre privé. J'aime bien voyager pour travailler, en touriste je m'ennuie et j'ai l'impression d'être de trop.
Tu es plutôt axé sur la lettre ? Les personnages ? La couleur ? Le graphisme ? Les formes ?
En fait je dessine assez peu, j'aime la peinture avant tout et je ne la vois pas comme juste un dessin appliqué sur une toile, c'est tout autre chose... J'aime le poids de la peinture, la matière, sa réalité plus que ce qu'elle représente. Comme le définit Jean Faucheur sur un tableau on pense au début savoir où l'on va mais ça change en cours de route. Il y a cette petite forme du fond qu'on n'avait pas prévu qui soudain va devenir si importante et justifier le reste d'une composition. J'aime installer un fond, lui laisser trouver un équilibre ou partir ailleurs que ce que j'avais voulu puis tracer une ou des lignes dessus voir comment ça va réagir... Ce n'est pas du graphisme projeté sur toile, il y a une aventure derrière chaque tableau. Et de la surprise.
Comment perçois-tu ton parcours au sein de la culture graffiti locale?
J'espère avoir contribué à casser des codes. A la fin des années 80 l'imagerie graffiti était cantonnée au BBoy, flingues et bling-bling. Avec le crew que j'ai créé (PIIB) on tirait le graffiti newyorkais vers une esthétique européenne. SHUN, HONET, STAK, POCH, HOCTEZ, POPAY partageaint aussi une approche intellectuelle plus marquée par le punk. Des couleurs délibérement sales en lieu et place des jolis dégradés turquoise et mangue, jamais de photoréalisme mais des personnages souvent crétins ou 'maladroits'. L'important est de le faire avec style. C'était assez inédit dans les années 90...
Une rencontre importante qui a motivé ton travail?
En 1992 je peignais live sur des bâches pour un festival rock, en Suisse. A la pause déjeuner je vois Mick Jones des Clash venir vers moi, il se présente et me dit qu'il veut rencontrer le type qui peint tous ces super trucs à la bombe. On a sympathisé et fait la fête pendant deux jours. Je garde en tête que seulement quelques années auparavant je prenais une de ses compositions pour nom d'artiste, que je peignais illégalement la nuit en banlieue... J'ai aussi eu la chance de pouvoir discuter avec les gens qui ont influencé mon art, notamment de la scène new york des 70s... PHASE II, DONDI, ZEPHYR ou QUIK qui est devenu un ami. J'ai vu MODE2 peindre sa fresque de la fac de St Denis. Ça vaut au moins quatre ans de beaux-arts à mon avis.
Est ce que c'est important d'avoir des photos de tes graff?
La seule trace importante que je puisse laisser ce sont mes toiles, mes dessins. Bien sur ce ne sont pas du graffiti en soi mais c'est ce que je soigne le plus. Un jour peut-être des écrits. J'aime les graffitis que j'ai fait mais ils sont bien là où ils sont et le temps qu'ils puissent rester. Je n'ai donc pas tout pris en photo, j'ai souvent préféré profiter de l'instant présent et prendre le temps de regarder ce train peint passer, savourer le moment, se sentir là, une tasse de thé à la main. C'est mon petit luxe.
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